American Sniper marque le grand retour de Clint Eastwood sur le devant de la scène. Le film cartonne au bux-office américain et pourrait même finir devant Les gardiens de la galaxie et Hunger Games 3, ce qui semblait improbable il y a encore quelques semaines. Il est également nommé pour 6 Oscars dont Meilleur film et Meilleur acteur. Dans le même temps, cette adaptation de l’autobiographie du tireur d’élite Chris Kyle suscite la polémique de l’autre coté de l’atlantique sur plusieurs points. Mais que vaut vraiment le nouveau film de Clint Eastwood ? Est-ce un grand film de guerre ou un film hyper patriotique formaté pour le public américain ?
Synopsis
Tireur d’élite des Navy SEAL, Chris Kyle est envoyé en Irak dans un seul but : protéger ses camarades. Sa précision chirurgicale sauve d’innombrables vies humaines sur le champ de bataille et, tandis que les récits de ses exploits se multiplient, il décroche le surnom de « La Légende ». Cependant, sa réputation se propage au-delà des lignes ennemies, si bien que sa tête est mise à prix et qu’il devient une cible privilégiée des insurgés. Malgré le danger, et l’angoisse dans laquelle vit sa famille, Chris participe à quatre batailles décisives parmi les plus terribles de la guerre en Irak, s’imposant ainsi comme l’incarnation vivante de la devise des SEAL : « Pas de quartier ! » Mais en rentrant au pays, Chris prend conscience qu’il ne parvient pas à retrouver une vie normale.
La critique du film
Une chose est certaine, American Sniper devrait diviser encore plus en France qu’aux Etats-Unis. Pour faire court, on pourrait résumer le dernier opus de Clint Eastwood à un film sur l’Amérique pour l’Amérique. Il y est question d’un héros national, révélé lors de la très contestée guerre en Irak durant les années 2000. On suit le parcours du fameux héros, Chris Kyle, tireur d’élite ayant officiellement abattu plus de 160 « ennemis », aussi bien durant ses quatre séjours en Irak que chezl ui auprès de sa famille.
Au premier abord, on peut avoir le sentiment que Clint Eastwood livre un film en faveur de l’intervention des Etats-Unis en Irak ou de l’armée américaine. Une certaine glorification de ces marines qui sont aussi le symbole des Etats-Unis à travers le monde. Les soldats américains semblent être les gentils combattant les méchants arabes en Irak. Pour la morale, on repassera. On pense alors beaucoup au film de Peter Berg Lone Survivor sorti l’année dernière. Mais assez rapidement, Clint Eastwood va nous montrer que son film est autre chose.
Son film adopte le point de vue du « héros », ce tireur d’élite prêt à tout pour protéger les Etats-Unis contre les « sauvages » et pour qui, à la façon d’un George W. Bush, le conflit ne se que d’une façon, en noir et blanc, sans aucune nuance de gris. Cet homme est obsédé. Il se dit obsédé par l’idée de sauver des vies, mais semble en fait plutôt obsédé par le champ de bataille qui le rappelle systématiquement à lui. A chaque retour à la maison, auprès de sa famille, on a le sentiment qu’il quitte justement son foyer, pour se retrouver dans une phase transition ou il ne trouve pas sa place.
American Sniper raconte donc la guerre, mais à-travers le portrait d’un soldat idéaliste, aveuglé par ses idéaux, qui ne se remet pas en question et qui ne se rend même pas compte que cette guerre l’a transformé. A petites doses, Clint Eastwood montre bien que le portrait de ce personnage et de cette guerre ne sont qu’une vision, celle d’un homme. Plusieurs soldats, dont son frère, la vivent très différemment. Sa femme en souffre terriblement. Et le principal « méchant » du film, cet autre tireur d’élite qui obsède tant Chris Kyle n’est, Clint Eastwood nous le montre bien le temps d’une courte séquence, pas plus un monstre que le « héros », ou pas moins. C’est un père de famille qui a connu la gloire sportive par le passé. Il est muet durant tout le film, comme un reflet de Chris Kyle, un monstre équivalent qu’il se doit de détruire pour redevenir lui-même.
Clint Eastwood a beau être un républicain affirmé, cela ne l’a pas empêché d’être contre la guerre en général et plus particulièrement contre la guerre en Irak, comme il l’avait fait savoir à l’époque. Il cherche donc, avec ce film dressant le portrait d’un patriote et militaire convaincu, à dénoncer subtilement les ravages de la guerre sur l’homme, le soldat et sa famille. C’est cette subtilité qui a dut échapper à beaucoup de critiques américains, focalisés sur les premiers instants du film et ne cernant pas le propos du réalisateur. Clint Eastwood nous montre clairement que ce « héros de l’Amérique » était loin d’être parfait et avait perdu une grande partie de son humanité, même si ses propos sont un peu édulcorés par rapport à ce qui a pu être écrit dans la biographie de Chris Kyle.
L’autre tour de force du film de Papy Eastwood (84 ans tout de même) est de nous offrir une mise en scène inspirée et somptueuse. Elle a un cachet d’autre fois, loin des mouvements de caméra à l’épaule que l’on voit de plus en plus ces derniers temps. Le réalisateur pose sa caméra et ses personnages dans le décor et prend son temps, à l’image d’un western, pour générer la tension. Le rythme est lent mais les séquences d’action sont particulièrement nerveuses, tout en étant lisibles. On est plus d’une fois scotché à son siège, tendu face aux évènements qui se déroulent sous nos yeux.
Enfin, l’interprétation des eux acteurs principaux est à la hauteur du travail de Clint Eastwood. Bradley Cooper est une fois de plus excellent, sa transformation physique est assez remarquable, et comme pour Leonardo Di Caprio, on peut se demander quand est-ce qu’il décrochera enfin une statuette rendant hommage au beau travail accompli ces dernières années. La surprise vient peut être de Sienna Miller. Certes elle n’égale pas son partenaire, mais elle était pour moi, jusqu’à maintenant, un simple nom apparaissant dans la presse people et quelques produits hollywoodiens sans ambition artistique. A partir d’aujourd’hui, je la considèrerais aussi en tant qu’actrice et suis même curieux de suivre la suite de son parcours.
Alors American Sniper, c’est un grand film de guerre ou un film patriotique qui ravit les spectateurs américains en quête d’héroïsme ? Certainement un peu des deux, et c’est aussi ça le tour de force de Clint Eastwood.
La bande annonce coup de poing du film
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