Critique de The Lost City of Z : Un paradis perdu

James Gray est sans aucun doute l’un des artistes les plus prometteurs d’aujourd’hui. Ses films sont à chaque fois attendus de pied ferme, car le cinéaste, en plus d’être talentueux, a un univers bien à lui. Ses films dégagent une telle force qu’ils explosent souvent comme une bombe au visage du spectateur. On se souvient de ses personnages : Joshua Shapira, le tueur à gages de Little Odessa et de sa détermination, de l’hésitant en mal d’amour de Two Lovers, du patron de boite de La Nuit nous appartient ou encore de cette chère Ewa dans The Immigrant. “The Lost City of Z” est un film d’époque qui s’annonce comme l’œuvre la plus audacieuse du cinéaste.  Cette fois ci, James Gray brosse le portrait du colonel britannique Percival Fawcett, homme qui va tout sacrifier pour atteindre cette cité dont personne n’est jamais revenu, “The Lost City of Z”.

Synopsis

Percy n’a qu’une hâte : faire ses preuves auprès de ses pairs. Lorsque la chance se présente, il ne la laisse pas passer : la société géographique royale d’Angleterre lui propose une odyssée en Amazonie dédiée à cartographier les frontières du Brésil et de la Bolivie. Percy laisse alors femme et enfant et part. Là-bas, il se prend de passion pour ceux qu’on appelle à l’époque les “sauvages”, et tombe sur les traces de ce qu’il croit être une civilisation ancienne, ou une cité perdue, qu’il nommera “Z”. Dès lors, et au fil de plusieurs périples, Percy n’a de cesse de vouloir trouver cette oasis perdue. Il n’hésitera pas à laisser de côté tout le reste dans l’espoir, un jour, de trouver cet endroit qu’il désire tant.

Une beauté visuelle époustouflante

Le film est une prouesse esthétique : le brillant Darius Khondji (chef opérateur de David Fincher, Wong Kar Wai, Woody Allen, une rétrospective lui est d’ailleurs consacré dès le 15 mars à la Cinémathèque) fait preuve d’autant de rigueur qu’un Nestor Almendros et nous délivre un film d’une beauté exquise. Toute l’équipe fait preuve d’une subtilité effarante qui fait de ce film un bijou d’esthète et un plaisir pour tout amateur de films historiques. Cette pellicule à fort grain ne fait qu’ajouter au plaisir du cinéphile : le film est un vrai tableau. On ressent aussi fortement l’influence d’Apocalypse Now de la part d’un James Gray qui avait même écrit à Coppola en lui demandant des conseils quant à la difficulté de filmer dans la jungle. Ce dernier lui avait simplement répondu : “N’y va pas”.

Un film qui traine en longueur

The Lost City of Z est un beau film, qui à l’instar du Silence de Scorcese, parle avec un sérieux auquel nous sommes de moins en moins habitués au cinéma. Cela peut être un obstacle pour tout spectateur qui chercherait un tant soit peu à se divertir. Car même si le divertissement est mis de côté, The Lost City of Z est une grande fresque qui souffre d’un problème de rythme bien présent. C’est là son principal défaut : aussi beau qu’il soit, le film souffre de nombreux temps morts, et s’écoule au même rythme que celui de la barque de nos compagnons sur la rivière. Dans un film qui fait 2h20, l’ennui ne manque pas de se faire ressentir, et c’est dommage car seulement une pincée de piment et donc d’action aurait suffi à régler ce problème.

The Lost City of Z est décéptif sur un autre sujet : celui de “Z“. “Z“, c’est le paradis perdu, l’endroit mystique ultime, l’objectif à terme de Percy. Le film fonctionne donc sur une mécanique très forte au cinéma, celle du mystère : comme dans la série Lost, on veut découvrir/comprendre quelque chose, sans savoir ce que c’est. Mais le mystère n’est jamais vraiment entretenu : nous n’avons que de vaines poteries et bouts de papiers qui nous évoquent ce que pourrait être Z. Jamais notre esprit n’est vraiment titillé par ce mystère qui, si on en croit Percy, a le goût du paradis.

Une critique grinçante de la société

Malgré tout, on se plaît à voir dans le film un pamphlet grinçant et très juste contre une société archaïque, faite de vieux costards embourgeoisés aux cheveux blancs, qui commence à peine à sortir de ses visions étriquées. La scène du palais de justice, Percy devant, les femmes entassées dans le fond comme du bétail, avec ces hommes insupportables au milieu, est probablement une des plus mémorables du film.

La force de James Gray étant que le film est tout en nuances : le personnage principal est loin d’être un héros. Bien au contraire, malgré ses visions novatrices, Percy est un personnage imbuvable et n’échappe pas, malgré sa soi-disant ouverture d’esprit, à sa vision dépassée de la femme, vision qui ressemble en tout point à celle des autres : le pire étant probablement quand il parle des sacrifices faits à la place de sa femme. Car s’il y a bien une personne qui a fait des sacrifices, c’est elle. Par conséquent, on peut reprocher au film d’avoir fait aussi peu de cas du personnage de Sienna Miller, pourtant très intéressant mais qui finit assez rapidement par se ranger du côté de son homme, passé la première crise, sans plus jamais se dresser contre lui alors que le personnage invoquait au premier abord quelque chose d’assez fort.

Les acteurs tirent plutôt bien leur épingle du jeu : ici, pas de performance époustouflante mais une prestation assez juste de Charlie Hunnam (Sons of Anarchy, Crimson Peak), Tom Holland (le nouveau Peter Parker), Sienna Miller avec un beau jeu d’actrice, ou encore Dudley et Palpatine (pardonnez-moi, Harry Melling et Ian McDiarmid). On peut aussi citer Robert Pattinson, qui s’offre le deuxième rôle, mais qui joue un personnage fonction. On se questionne même sur l’intérêt de l’avoir enlaidi à ce point (maintenant, on sait tous que Robert Pattinson, à renfort de maquillage, est capable d’avoir l’air disgracieux).

Au final, The Lost City of Z est un film qui fait dire que le voyage est sûrement plus important que la destination. Le film est témoin d’une société qui commence à peine à sortir de l’obscurantisme et à retrouver le goût que nous avons toujours eu, celui de l’exploration.

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