Après une première saison intrigante mais inégale, le showrunner Éric Rochant semble avoir corrigé le tir en proposant une saison plus rythmée, captivante et sous tension. Avec son intrigue à tiroirs et ses personnages silencieux, il était difficile de prévoir un tel succès lors du lancement de la série l’année dernière. Souvent qualifiée de lent, Le Bureau des légendes a pourtant su introduire méticuleusement une histoire exigeante et réaliste. Loin des stéréotypes des séries d’espionnage hollywoodienne.
Synopsis
Au sein de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure), un département appelé le Bureau Des Légendes (BDL) forme et pilote à distance les agents les plus importants des services de renseignements français : Les clandestins. En immersion dans des pays hostiles , leur mission consiste à repérer les personnes susceptibles d’être recrutées comme sources de renseignements. Opérant « sous légende », c’est-à-dire sous une identité fabriquée de toutes pièces, ils vivent de longues années dans une duplicité permanente. Notre héros rentre justement d’une mission clandestine de six années à Damas. Mais contrairement à ce qu’exigent les règles de sécurité, il n’abandonne pas sa légende et l’identité sous laquelle il vivait en Syrie. Mettant ainsi en danger tout le système …
Critique
Fort de son excellent casting et de son écriture intelligente, la série d’Éric Rochant laissait entrevoir un immense potentiel pour devenir la nouvelle référence de la « série made in France ». Une promesse qui a pris une saison entière pour se mettre en place.
Pour la deuxième saison, Éric Rochant et les auteurs se devaient de prendre du recul. Affiner leur concept pour allier au mieux réalisme et romanesque. En soit, trouver l’équilibre pour donner à la série une âme propre pour que finalement, le téléspectateur se passionne pour le sort de ses personnages. Et spécialement pour Guillaume Debailly alias Malotru, espion français prêt à trahir son pays pour la femme qu’il aime.
Le tour de force de cette deuxième saison est d’avoir amélioré ce qui avait fonctionné l’année passée tout en renforçant les points faibles. On y suit toujours le quotidien des espions français, qu’ils soient à la cantine, dans leurs bureaux ou en salle de crise, le tout dans une atmosphère crédible et réaliste. La série en elle-même semble plus rythmée, sûre de ses forces. La faute à une intrigue désormais bien ficelée et sans doute aussi à l’acclimatation du téléspectateur après une première saison de présentation.
Bien que plus fluide et rythmée, LBDL n’a cependant rien perdu de sa rigueur et de sa sobriété. Aujourd’hui plus chaleureuse, la série n’en demeure pas moins exigeante pour le téléspectateur. On y parle anglais, farsi (en Iran), arabe et les détails « techniques » ne manquent pas. Série d’espionnage oblige, une plus grande place est laissée à la figure de « l’informaticien », faite ici sur le modèle de Q dans James Bond sans pour autant tomber dans la caricature.
Cette saison, les personnages prennent l’air et nous emmène sur le terrain. Enchainant les aller-retours entre Paris et le Moyen-Orient, Marina Loiseau ( Sara Giraudeau ) alias Phénomène et ancienne apprentie de Malotru est en première ligne. On la suit à Téhéran dans une mission d’infiltration et de collecte d’informations dans le milieu du nucléaire iranien. Eric Rochant et son équipe nous offrent ainsi une intrigue à trois. Entre Paris, Téhéran et la Syrie où est retenue captive Nadia Al-Mansour, l’amante de Guillaume Debailly. Les transitions entre les personnages sont alors d’une grande fluidité. Les actions des uns ayant des répercussions sur le destin des autres, c’est avec un plaisir non dissimulé que se dévoile sous nos yeux un brillant thriller d’espionnage à la John Le Carré, le tout sur fond de géopolitique.
Les personnages en eux-même gagnent en profondeur. Affinés, on sent leurs doutes, leurs déchirements et surtout leurs failles. Car malgré qu’ils soient entrainés à dissimuler leurs émotions, jamais Malotru et son équipe n’ont semblé aussi émotifs et vulnérables. Leurs actions, d’ordinaire froides et raisonnables sont désormais dictées par leurs impulsions, témoignant de la vulnérabilité des hommes derrière la légende. En témoigne la voix-off de Kassovitz, partageant ses émotions avec le téléspectateur via des apartés habilement mis en scène.
LBDL semble aujourd’hui avoir trouvé ses marques, les acteurs à l’aise dans leur personnage. Matthieu Kassovitz campe un espion empli de doutes, émouvant malgré son attitude placide et le regard continuellement fermé. Encerclé par les problèmes, c’est une véritable partie d’échec qui s’engage pour mener à bien sa mission. Henri Duflot, joué par Jean-Pierre Darroussin apporte quant à lui un flegme et un sens de l’humour qui s’équilibre parfaitement avec le sérieux de la série. Il est le lien entre les intrigues et montre lui aussi ses failles. Il dresse le portrait d’un patron paranoïaque, fatigué mais fidèle au système qu’il défend tel son sacerdoce. Sara Giraudeau, comédienne montante, impressionne de maitrise et de maturité dans ce rôle entre vulnérabilité et fausse candeur. Ne vous fiez pas à son regard doux et sa voix frêle (et légèrement insupportable), Marina Loiseau alias Phénomène a plus d’un tour dans son sac et saura tenir sa légende de sismologue quel que soit les circonstances.
Les personnages secondaires sont également bien mis en avant. Leurs apparitions parfaitement dosées, chacun disposant d’une scène permettant de gagner en épaisseur. Mention spécial à Raymond Sisteron (Jonathan Zaccaï) dont les missions sont toujours riches de rebondissements ou à « pépé » et « mémé », duo chargé de la protection des agents. C’est bien simple, dans LBDL, chacun y trouve sa place et personne n’est de trop qu’il intègre le bureau (Pauline Etienne) ou qu’il se mêle à l’intrigue générale (Alice Belaïdi).
Passionnante, captivante et intelligente, le Bureau des légendes s’impose comme la meilleure série française du moment. Un succès de plus pour la chaine Canal Plus qui a aujourd’hui le mérite d’être au top en matière de série TV. Une saison 3 est d’ores et déjà en préparation et devrait nous être proposée dès l’année prochaine. Une industrialisation à l’américaine qui devrait donner un coup de boost aux productions françaises.