Dave Made a Maze par Bill Watterson

dave made a maze 2017 critique Bill Watterson

Dave Made a Maze (2017, Bill Watterson)

Dave, un artiste trentenaire a construit dans sa salle de séjour un édifice en carton d’apparence très fragile et dans lequel on peut se glisser par une ouverture. Lorsque sa petite amie, une Indienne, revient à la maison, elle est mise en garde par Dave : surtout ne pas le rejoindre, lui ne pouvant pas sortir car ne retrouvant pas l’issue. L’espace intérieur de l’édifice est, parait-il, plus grand qu’il ne peut l’être et on s’y perd.

Vu au P.I.F.F.F. 2017 et disponible en DVD.

dave made a maze 2017 critique Bill WattersonIl suffit en effet de quelques pas, de bifurquer d’un couloir à l’autre, pour perdre le sens de l’orientation. Dave est donc convaincu d’avoir construit un labyrinthe. Il peut toujours communiquer avec l’extérieur mais sa voix résonne étrangement comme si elle provenait d’une autre dimension. C’est bien de cela qu’il s’agit, puisqu’une enveloppe ordinaire, des emballages cartons ajustés les uns aux autres, abrite un contenu différent de celui d’origine. Le recyclage des emballages détourne les cartons de leur utilité commerciale. Ils deviennent les éléments d’un collage, d’une toile, en même temps que le réceptacle des visions de l’artiste.

Il ne faut ni secouer les cartons ni les percer, au risque d’une catastrophe. En mal d’indépendance à 30 ans, Dave doit (se) prouver qu’il est capable de conduire un projet artistique jusqu’au bout. Sortir du labyrinthe, oui mais pas à n’importe quel prix. Pas au prix de l’effondrement total qui entraînerait l’échec personnel de l’artiste dans sa tentative de créer un monde. Il faut d’abord finir le labyrinthe, et Dave insiste : il doit achever son œuvre, aussi absurde puisse-t-elle paraître à ses amis, pour passer à autre chose. Bill Watterson, dont c’est le premier film, doit le terminer. La structure informe va prendre forme.

Le labyrinthe s’est à la fois contracté et dilaté. Un mini labyrinthe, facile à enjamber, se trouve au cœur de l’assemblage. Mais quand on croit enfin apercevoir la sortie, on se retrouve non pas dans la salle de séjour mais dans une autre salle du labyrinthe, plus vaste, qui englobe l’édifice de départ. L’univers de carton qui entoure Dave et ses amis venus le chercher a  le pouvoir de transformer tout être vivant en poupée animée faite aussi de carton. Les pièges mortels issus de l’imagination du concepteur font jaillir, au lieu du sang, des bandelettes de papier coloré. Puis les acteurs deviennent momentanément des créatures issues du cinéma d’animation. Le cartoon l’emporte.

Des origami vivants constituent la faune et la flore de cet univers souterrain, évoquant à la fois le théâtre (on voit des loges), la jungle (herbes folles, bêtes sauvages) et le récit d’aventures (idole avide). Un classique minotaure rode dans les galeries. Les amis de Dave, pris au piège, forment une expédition de secours comme dans une série B mais ils veulent profiter de l’événement en le médiatisant lourdement : cameraman et perchman sont la version parodique de l’équipe du film. Les amis de Dave prennent trop au sérieux ce qu’ils ne comprennent pas alors que le réalisateur et son alter ego restent en permanence dans le registre léger.

Pour autant, Dave Made a Maze n’est pas un pastiche de film d’horreur. Sa grande réussite tient dans l’équilibre maintenu entre la comédie et le fantastique. Ce labyrinthe, ses monstres et ses pièges, est d’autant plus inquiétant qu’il n’est fait que de papier. Mais connaît-on vraiment l’étoffe dont sont faits les rêves ? Ce ne sont pas les psychanalystes avec leur pseudo-science qui nous l’apprennent. Les artistes, les cinéastes, tout comme d’ailleurs les philosophes avec leurs systèmes abstraits, construisent des châteaux de cartes (ou de carton) qui ont d’abord le mérite d’être achevés avant d’être détruits. Seul compte le projet lorsqu’il est mené à son terme. Bien mené dans le cas de Bill Watterson.

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