PIFFF 2021 – Evil Dead Trap de Toshiharu Ikeda (1988)

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Une présentatrice d’émission TV invite les téléspectateurs à envoyer au studio des vidéos amateurs, illustrant leurs fantasmes en tout genre, surtout sexuels. Qu’elle n’est pas sa surprise en visionnant la torture et la mise à mort d’une jeune femme dans une usine sordide. Elle réussit à localiser le lieu de tournage et décide de se rendre sur place avec son équipe télé pour enquêter et faire un scoop. On se doute que l’accueil réservé aux imprudents sera agrémenté de quelques surprises.

Entré à la Nikkatsu dès 1973, Toshiharu Ikeda se forme sur le tas et passe à la réalisation en 1980 avec des films érotiques. Peu connu hors du Japon, il n’est pas non plus amateur de films d’horreur ou fantastiques. Mais le style musical inspiré du groupe Goblin, les références à Sam Raimi (par le choix du titre) et aux slashers américains pour l’argument de départ, font de Evil Dead Trap un objet hybride qui tient aussi à la fois du cinéma japonais occidentalisé et de l’hommage déguisé au giallo européen, avec cette tournure morbide et baroque qui contribue à esthétiser les scènes gore.

Le décor de ce qui est présenté comme une base militaire désaffecté devient un véritable théâtre dont chaque salle dispose d’une scène différente. Les pièges, parfois prévisibles, ne sont pas tous d’une originalité folle mais ce qui compte est d’abord leur mise en scène, comme si le tueur en série n’était là, et nous avec lui, que pour jouir du dispositif. Ainsi, une mosaïque d’écrans multiplie le visage suppliant d’une prisonnière. La journaliste s’adresse à l’image retransmise (« où es-tu ? ») comme si elle pouvait lui répondre. Bien sûr, la victime ne réagit pas car elle est dans une autre pièce, éloignée. Mais brusquement, elle répond avec précision (« au fond du couloir à droite ») et précipite la journaliste dans un piège. L’effet de surprise est désamorcé ou déplacé car ce qui surprend ici, c’est moins le mode d’exécution (déjà vu) que la manière dont la victime joue le jeu de son bourreau.

Aux abords des bâtiments, erre un personnage énigmatique, discret et courtois qui recherche quelqu’un. Son « petit frère » serait-il une des victimes disparues ? On en vient à croire, avec les survivants de l’équipe décimée, que le tueur en cagoule, « deux en un », est en réalité le conventionnel  psychopathe souffrant d’un dédoublement de la personnalité. Et là, le scénario bifurque vers l’horreur organique la plus loufoque, avec parasite monstrueux caché dans les entrailles du grand frère qui ouvre ou referme son ventre comme une arrière-cuisine. Ce qui n’explique pas, c’est le moins qu’on puisse dire, l’accouchement sanglant et final de la journaliste, mais qui s’en soucie ?

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Plus troublant est le caractère onirique des déambulations dans un décor industriel et les variations chromatiques ; la base militaire passe au noir & blanc peu contrasté alors que les écrans télé disséminés crachent des couleurs vives. Dans une des plus belles séquences, les éléments naturels paraissent se déchaîner à l’intérieur d’une salle lugubre : le feu et la neige artificielle s’en mêlent, faisant basculer cette série B nippone vers le drame cosmique au rabais mais dont l’extravagance dévastatrice a un aspect jubilatoire. Restent à découvrir les pinku-eiga de Ikeda dans le cadre d’un hypothétique hommage au cinéaste, disparu en 2010.

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