Critique de Await Further Instructions #PIFFF2018

Johnny Kevorkian await further instructions

Venu fêter Noël dans un quartier pavillonnaire britannique,un jeune homme présente sa compagne indienne à toute la famille : le grand-père ex-militaire tyrannique, le père gratte-papier humilié dès son plus jeune âge par le précédent, son fils costaud ahuri ayant épousé une femme stupide, la mère heureuse malgré tout. Une ambiance détestable préside à ce rassemblement mais le pire est à venir. En effet, les occupants ne tardent pas à se rendre compte, au milieu de la nuit, qu’une étrange matière métallique obture toutes les issues, portes et fenêtres, empêchant quiconque de sortir.Les accès téléphone et internet sont supprimés tandis que l’électricité fonctionne et la télé continue à émettre. Mais les programmes habituels ont laissé place à des télétextes sibyllins dont le premier est : « Stay Indoors and Await Further Instructions ».

« I See You »

Sur ce postulat digne des meilleurs épisodes de séries comme Twilight Zone, le réalisateur réussit le tour de force de conduire son film en maintenant une tension croissante et aussi de ne pas décevoir le spectateur à la fin par une explication incohérente ou bâclée. Or, les événements que vit cette famille désunie sont tellement ahurissants que l’on ne cesse de redouter,plus l’histoire avance, une pirouette scénaristique du style : tout n’était que cauchemar ou suite au prochain épisode. Heureusement, il n’en est rien. Non seulement, les questions trouvent des réponses mais les réponses sont à la hauteur de l’attente, c’est-à-dire qu’elles dépassent ce qu’il est permis d’imaginer au spectateur.

Dans un premier temps, les occupants du pavillon – et nous avec – cherchent côté connu : les jeux de télé-réalité ou la guerre bactériologique. Les dernières images du petit écran montraient des attentats sauvages, des crimes gratuits. Et la forme comme le contenu des premiers télétextes laissent penser qu’ils sont des messages du gouvernement. Pourtant,assez vite, les messages semblent réagir au comportement particulier du groupe,en annonçant par exemple que la nourriture est contaminée au moment de se mettre à table. Lorsque des seringues (usagées) sont introduites par une fente mystérieuse pour une vaccination obligatoire, la jeune infirmière indienne répugne à les utiliser mais l’effet de groupe l’y contraint. A ce stade, nous avons tendance à croire que le danger n’est pas réel ou du moins que les indices sont trompeurs. Cela ressemble trop à une farce sinistre malgré l’ampleur inhabituelle des moyens.

Johnny Kevorkian await further instructions

« I Am Reborn »

Dans un deuxième temps, le caractère de plus en plus intrusif, directif et faussement protecteur des messages nous fait comprendre qu’il y a danger réel mais qu’il ne vient pas d’abord ou pas seulement de l’extérieur mais aussi et surtout d’un dispositif double : sécurité et surveillance. Et que ce dispositif est mis en place à travers les postes récepteurs de télévision. Difficile d’en dire plus sans spoiler et ce serait dommage tant à cause des surprises spectaculaires que des incroyables révélations qui sont faîtes progressivement jusqu’au plan final qui nous montre enfin le quartier dans son ensemble. Là où l’on s’attendait à sourire avec indulgence devant une conclusion tirée par les cheveux, on reste éberlué. Et d’autant plus terrifié que le danger, s’il n’en garde pas moins la tournure classique du cinéma de genre, fait écho directement aux manipulations politiques liées au terrorisme et à son traitement médiatique. 

Johnny Kevorkian s’est défendu d’avoir voulu faire un film d’horreur post-Brexit car le scénario était écrit avant le résultat du référendum. Cette récupération politiquement correcte par la critique d’outre-Manche est indigne du film. On notera que tous les membres de la famille présentée sont antipathiques, et pas seulement le grand-père raciste. L’indienne est certes plus intelligente que la belle-fille européenne mais ses leçons de morale sont particulièrement déplaisantes et malvenues et on ne peut pas dire que le réalisateur fasse dans l’anti-racisme primaire. En réalité, il n’épargne personne, sauf le nouveau-né à la fin mais c’est pour qu’il devienne un parfait soumis, un adorateur du nouveau medium. Et si la télé est cassé, le cadavre du père, devenu transmetteur de substitution, sera actionné comme une marionnette par les câbles-tentacules de la créature parasite.

« Worship Me »

Le père fait une confiance aveugle à la télé ; ce qui signifie qu’il croit d’abord à des messages du gouvernement puis à ceux du Messie, sans s’interroger un seul instant sur l’origine douteuse de ces textes lapidaires. Lorsque le fils débrouillard réussit à capter quelques images de l’extérieur avec son portable, le père refuse de les voir et, pris de folie meurtrière, veut énucléer son fils. Tout se passe comme si le monstre se nourrissait à la fois des terreurs collectives et des espérances vagues des téléspectateurs les plus passifs : terrorisme, attaque chimique ou nucléaire, contamination, séparation, enfermement. Puis résurrection physique,sacrifice sanglant, adoration, nouvelle naissance. Et toujours l’imposture, le pastiche. Rien à voir avec le Brexit car la sortie de l’Union Européenne donnerait plutôt à l’Angleterre une chance d’échapper à la pieuvre mondialiste qu’on voit se matérialiser littéralement dans le film. Et,comme par hasard, cette pieuvre a pris le contrôle des médias (la télé) pour imposer l’idée fausse qu’il est impossible d’échapper aux mots d’ordre de la Bête. Hélas, il ne suffit pas de casser la télé pour sortir dans la rue et la parabole est donc pessimiste. Cette invasion d’un mauvais genre qui mélange avec talent horreur, fantastique et science-fiction débouche sur une Apocalypse de série B qui, malgré ou à cause de ses outrances, a un air contemporain.

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