Critique On the road de Walter Salles

La magie n’est certes pas la même que dans le livre culte de Jack Kerouac, mais elle opère quand même, et si on se borne à comparer les deux, le film n’a aucune chance. Pourtant il est beau, cohérent, poétique et on sent un immense respect des auteurs pour l’oeuvre littéraire.

Réalisé par Walter Salles, sorti en 2012, le film a été adapté sous la houlette éclairée de la famille Coppola, Francis Ford et Roman, dont on connait l’amour pour la chose littéraire. Pour apprécier le film à sa juste valeur il est important d’y voir une interprétation plus qu’une adaptation. S’il n’est pas parfait, il représente toutefois l’exemple typique d’une histoire confiée « à un autre auteur ». Là où le film réussit, c’est qu’il arrive à être autonome tout en restant respectueux de l’intention première, malgré de nombreuses élipses qui ont tendance à évaporer une grande partie de l’intériorité des situations.On the road est un livre culte, très intérieur, dont le passage à l’écran représentait naturellement un défi ambitieux.

Garrett Hedlund, révélation de Sur la route

Déconstruite, puis entièrement reconstruite pour adhérer au format cinéma, l’oeuvre de Kerouac s’en trouve respectée mais transformée : l’importance du personnage de Marylou (Kristen Stewart) a été exacerbée de façon à recoudre le récit, à servir d’élement structurant, un peu comme l’est Penny Lane dans Almost Famous. Elle ressemble fort à Lolita aussi : elle est à la fois un objet de désir et une icône qui ne devra sa survie qu’au fait de « rentrer dans le rang ». Dean, brillament interprêté par Garett Hedlund, est quant à lui toute la contradiction d’une jeunesse hautement consommatrice, mais prête à tout faire voler en éclats : on l’aime autant qu’on le hait. Et finalement ni ses amantes, ni ses amis ni la société tout entière ne lui pardonneront ses décalages. Troublant, attachant, novateur et terrifiant, il représente tout ce vers quoi tendra une génération entière 20 ans plus tard. En cela, le film est peut-être un peu plus moral que le livre, au sens moderne du terme : celle-ci a été décalée vers une compréhension actuelle, alors que le livre est un hymne à la liberté. Mais le contexte social et politique était différent. Et en un sens, c’est là encore une grande marque de respect par rapport à l’oeuvre originale, car de nos jours finalement, il ne suffit plus de boire, de prendre de la drogue et d’avoir une sexualité débridée pour être un marginal.

Au final, Zoetrope nous livre un film humble, certes un peu décevant surtout si on a lu et relu Kerouac comme je l’ai fait une bonne douzaine de fois, mais il est attachant, bien réalisé, esthétiquement très beau, et il a le mérite d’être une œuvre qui se suffit à elle-même. Il est dans la veine fidèle de tout ce que produit la famille Coppola : soigné, esthétique, respectueux de la poétique, doté d’un casting et d’une direction d’acteurs superbe : Garrett Hedlund, Sam Riley, Kristen Stewart, Tom Sturridge et la craquante Alice Braga, face à quelques têtes déjà bien connues du grand public (Steve Buscemi, Viggo Mortensen, Kirsten Dunst & Amy Adams). Un bon film auquel il faut donner sa chance, qui constitue un bon point d’ancrage pour avoir envie de lire (ou relire et relire encore) le livre.

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