Ghosts…of the civil dead de John Hillcoat

Film coup de poing

Premier film de John Hillcoat ( mis récemment en avant avec La Route puis la sortie en France 4 ans après sa sortie de The Proposition ) , un film qui date déjà de 1988 et apparemment vaguement sortie en France en Avril 1990 ( une sortie technique à mon avis comme The Proposition ) , et inédit ou presque en dvd ( il existe une édition Zone 4 sortie en 2003 ) . Un des seuls moyens de voir Ghosts…of The Civil Dead aujourd’hui est soit de le voir programmé dans un festival soit espérer une rétrospective dans une cinémathèque et c’est cette deuxième possibilité qui m’a permis de découvrir ce film coup de poing .

Une immersion dans l’univers carcéral , avec cette histoire qui plonge dans une prison Australienne certifiée Haute Sécurité , ce qui fait la force de ce film c’est le traitement volontairement lent et épuré de John Hillcoat .

Le cinéaste façonne l’ambiance de son film dès le générique de début , en introduisant une bande-originale lente , difficilement descriptible mais aux vertus hypnotiques (signée Nick Cave proche collaborateur du cinéaste ici co-scénariste et acteur impressionnant lors d’un caméo tétanisant ) qui commencent à opérer pendant que défilent les noms des acteurs et membres de l’équipe technique , s’ensuit un petit briefing de l’état des lieux : c’est à dire ou on se trouve et ce qui s’y passe . Ensuite Hillcoat définit clairement l’espace dans lequel se situe son film, au beau milieu d’un désert Australien , totalement isolé au milieu de ce désert se trouve une prison classée haute Sécurité . Hillcoat délimite son décor avec une précision imparable : un lent travelling circulaire qui montre le désert alentour ( on pourrait presque dire que ce Travelling est une vision subjective de la Prison qui regarde ce qui l’entoure ) , un plan d’un panneau indiquant le lieu , puis un Plan d’ensemble assez long de la prison et pour finir un plan du couloir de la prison . Mon idée n’est pas de d’analyser plan par plan le découpage du film mais constater et expliquer la rigueur formelle du travail d’Hillcoat qui en à peine plus de 3 minutes place son spectateur dans un climat assez angoissant et en 4 plans nous a déjà plongé dans l’univers qui va caractériser son film . Après cela on voit le premier personnage du film qui est plutôt le personnage principal même si tout au long du film , Hillcoat fait varier le point de vue et ne définit pas totalement de règles dans la hiérarchie des personnages , le personnage de Wenzil joué par Dave Field est à la fois le premier que l’on voit à l’écran et le dernier que l’on verra , c’est le point d’attache narrative du film qui commence à son arrivée pour relater tout ce qui se passe avant le 25 Octobre ( voir l’introduction d’ouverture ) et va conduire aux émeutes ultraviolentes de ce jour là puis les conséquences de ce jour .

On est maintenant plongés quasiment tout le long du film au sein de cette prison , aux couloirs longs et esthétiquement aux faux airs futuristes , la narration du film se divise sur plusieurs éléments , on plonge dans les pensées de certains personnages ( détenus et gardiens ) avec l’incursion de temps à autre d’une voix-off , chaque mois ( on commence le film en début d’année ) est établi un compte rendu de ce qui s’est passé au cours du mois et enfin bien sur le réalisateur qui navigue aux différents coins de la prison pour montrer un peu toute les facette du lieu ( en terme de décor mais aussi de personnages ). La mise en scène est très épurée , mouvements lents , plan longs et cadres travaillés qui enferment les personnages dans un décor duquel ils sont déjà prisonniers , l’intelligence de la mise en scène c’est de parvenir à suggérer l’ultraviolence du lieu et le sentiment de danger permanent sans pour autant en montrer beaucoup ( quelques brefs instants très cru cela dit ) , la tension installée par le metteur en scène est palpable à chaque instant ou presque on sent que tout peut déraper et exploser . Ce que raconte le metteur en scène c’est l’aspect effroyable de la prison qui sous-couvert de calmer les individus les rend chaque jours de plus en plus inhumains ( on observe les différentes sanctions qui tombent au fur et à mesure du film ) ,des mesures qui diminuent le peu de libertés qui leur restait , les humilient ( l’isolement dans une cage au milieu de la prison avec les gardiens autour qui jouissent de leur ascendant) et les conséquences que cela a sur chacun des détenus , qui ne sont autres que la boucherie finale .

Dans ce final tout dégénère et les rôles s’inversent , les gardiens ne sont plus en sécurité et pour tenter de survivre certains n’ont pas d’autres solution que de se réfugier dans la cage précédemment évoquée … Le propos évite tout forme de manichéisme et vision caricaturale , et la fin qui montre une prison en pleine anarchie dévoile un propos de fond aux forts relents nihilistes . La conclusion du film enfonce le clou , ce qui peut-être chez certains cinéastes maladroits aurait des airs de conclusion optimiste ( certains détenus s’en sortent libérés ) s’impose ici comme désespéré et remet frontalement en cause le fonctionnement de la société dans laquelle évoluent les personnages : Comment ces personnages dont tout les repères ont été violemment cassés et broyés au cours de leur incarcération ( parfois de très longue durée ) peuvent-ils s’en sortir dans le monde normal ? Les derniers plans ou le personnage de Wenzil marche de manière hasardeuse dans une station de métro sont très explicites…

Un film coup de poing injustement méconnu.

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