La psychologie de Jonathan (SPOIL)
Jonathan: spectateur de lui-même ?
Avec le recul, on peut donc se demander si l’organisation de la vie de Jonathan ne cache pas un profond sentiment de vide. La perte de son emploi et de son amour ne font qu’entériner ce gouffre : ce qui le conduit à l’effacement total. La tristesse de John et ses tentatives de suicide ne sont-elles pas liées au fait qu’il avait compris que son frère allait mourir. Face à cette prise de conscience, il aurait alors préféré les faire mourir tous les deux en se suicidant ou se sacrifier pour que Jonathan puisse vivre (enfin).
D’un point de vue visuel, le fait que Jonathan regarde toujours son frère sur un écran le place en spectateur de « lui-même ». John n’est pas lui mais il a tout de même ses traits. Ainsi, c’est un peu comme s’il se regardait dans un miroir. De plus, Jonathan est toujours placé en amorce du plan: ce qui montre qu’il ne fait que regarder une autre vie que la sienne. La révélation d’une troisième conscience qui a été effacée, explique ce besoin de remplir son quotidien: il ne veut pas disparaître. Mais pour autant, la scène d’adieu entre les deux frères interrogent car il semble qu’il préfère mourir plutôt que voir son frère mourir. La scène violente où il attache John à son lit pour qu’il ne « fasse pas de bêtises » témoigne aussi de ce désir de voir vivre son frère.
Tous des Jonathan
Jonathan est un film qui met en images la dualité humaine et les tiraillements de l’identité. Sous couvert de raconter l’histoire d’un personnage à deux consciences distinctes, il expose la difficulté que l’homme a pour être en phase avec lui-même. Sans parler des pathologies psychiatriques liées à ce questionnement (troubles de la personnalité), le fait de se sentir « plusieurs » est assez courant. Jonathan serait alors l’incarnation de notre « part de lumière » et John celle de notre « part d’ombre ». Cette problématique du « qui suis-je? » est d’autant plus présente au XXIème siècle car les possibilités y semblent infinies. La malédiction de De Vinci, par exemple, est emblématique de ce morcellement de l’identité qui ne sait plus être unique et se consacrer à une tâche. Comme Jonathan, plusieurs consciences cohabitent en nous, chacune animée par ses désirs, ses projets et ses aspirations propres.
Néanmoins, la fin du film se positionne sur le fait qu’il n’est pas humainement possible d’être plusieurs en étant un seul. Si le « choix identitaire » ne se fait pas consciemment, il est une question de survie pour l’être. Jonathan s’éteint progressivement laissant de plus en plus de place à John qui pourra enfin vivre pleinement. L’amour, le voyage, le travail lui seront désormais accessibles à plein temps et pour lui seul. S’il est malheureux de la disparition de Jonathan, il n’en ressort que plus vivant. Ainsi, ne touchant pas seulement à la question de l’identité personnelle, ce film montre aussi le poids identitaire que peuvent représenter les êtres chères. Jonathan est à la fois le plus grand pilier de sa vie mais aussi ce qui retient John de vivre pleinement.