#Cannes2016 Critique de Ma Loute de Bruno Dumont

© Roger Arpajou

Bruno Dumont était déjà venu présenté à Cannes sa série sur les gens du Nord, « Le P’tit Quinquin ». Il récidive son étude sociologique en s’attaquant à « Ma Loute » avec un casting prestigieux : Fabrice Luchini, Juliette Binoche et Valéria Bruni-Tedeschi.

Synopsis

Eté 1910, Baie de la Slack dans le Nord de la France. De mystérieuses disparitions mettent en émoi la région. L’improbable inspecteur Machin et son sagace Malfoy (mal)mènent l’enquête. Ils se retrouvent bien malgré eux, au cœur d’une étrange et dévorante histoire d’amour entre Ma Loute, fils ainé d’une famille de pêcheurs aux mœurs bien particulières et Billie de la famille Van Peteghem, riches bourgeois lillois décadents.

Critique

Ma Loute
Roger Arpajou

« Ma Loute » est avant tout une comédie burlesque où le réalisateur part dans tous les sens. L’inspecteur Machin est une sorte de bibendum qui chute et qui roule sur le sable. André Van Peteghem (Fabrice Luchini) est ce bourgeois bossu aux mimiques irrésistibles. Sa femme (Valéria Bruni Tedeschi) est cette préchicha distinguée, légèrement neu-neu.  Mais la star du film, c’est incontestablement Juliette Binoche qui en fait certes des tonnes mais qui est hilarante. Elle va très loin dans ce qui pourrait être de l’improvisation absurde.

Bruno Dumont, originaire du Nord, se moque des préjugés et adore filmer les clichés. Ils traitent ses protagonistes comme des attardés cannibales. Derrière ce côté moqueur, il distille dans sa narration un point de vue social extrêmement subtile. Dans « Ma Loute », les bourgeois lillois arrivent en conquérant, prenant les locaux pour des handicapés. Cependant, ils sont eux-mêmes ridicules. Comble du narcissisme, ils habitent par exemple dans une villa au style ptolémaïque. Ils ne savent pas bien qui ils sont. Pour preuve, Aude Van Peteghem (Juliette Binoche) prend sa fille en réalité pour un garçon. Elle a un choc lorsque cette dernière tombe amoureuse de Ma Loute, un petit local.

© Roger Arpajou
© Roger Arpajou

Dans « Ma Loute », les chutes ont la vie dure. Sorte de running gag du film, tous les personnages se retrouvent par terre à un moment donné. Cet effet de style a cependant la contrainte d’être un peu trop répétitif.

Côté technique, la lumière, très crépusculaire, donne un ton enjoué à cette région qui parait très ensoleillée. Les protagonistes n’arrêtent pas de relayer cette douceur de vivre. Bruno Dumont se fait un peu l’office de tourisme de la baie de Slack. Plus que les images, le réalisateur s’attache aux sons, qu’il choisit d’accentuer. On entend ainsi le cuir des bottes frotté, les coups de machette sur l’acier pendant qu’on découpe les corps, l’eau brassé sur la barque…

© Roger Arpajou
© Roger Arpajou

Le film souffre cependant de deux gros défauts. En premier, le montage est terriblement long. Le réalisateur n’arrive pas à conclure son film, le tirant en longueur alors qu’il aurait pu opter pour un final beaucoup plus grandiose. Dans sa démarche artistique, Bruno Dumont s’en fiche. Il semble s’affranchir des carcans du cinéma de style et fait ce qu’il veut. A l’écran, il faut quand même assumer. En second lieu, « Ma Loute » aura un angle qui risque de parler uniquement au public francophone. Il serait surprenant que les étrangers comprennent totalement le contexte.

Antoine Corte

https://www.youtube.com/watch?v=4lU1dR9X9VY

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